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Bonjour !  Ceci est un des 7 chants du poème intitulé « la Ballade d'Orangina ».  

Si certaines expressions vous paraissent trop compliquées, vous pouvez cliquer sur l'icone en forme de
point d'interrogation qui se trouve à proximité.  

Je vous conseille cependant, pour le confort de la lecture, de commencer par lire le texte en entier, —— et ensuite seulement de cliquer pour éclaircir les points obscurs.  

[ FERMER CET AVERTISSEMENT]
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La Ballade d'Orangina   

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Chant premier

Mortel perdu qui vas me lire,
N'attends de moi nul réconfort,
Par mes néants j'ai fait pâlir
Plus d'un fantôme en son amphore !
((??))

     Cette entrée en matière cherche à éloigner les lecteurs qui n'ont pas assez de tripes (mais, y parvient-elle vraiment ?).  


Tu viens ici sans crier gare
Prêter l'oreille à mon délire;
Voilà pourquoi comme un barbare,
Je vais m'emparer de ma lyre
Et glapissant quelques cris rauques,
Lesquels sauront bien attenter
Aux multinationales glauques,
Pour mon public je vais chanter
La ballade d'Orangina
La rouge à la vulve d'acier,
((??))

     La vulve d'acier se trouve sur les canettes d'Orangina, il s'agit de la partie qu'on dégoupille.  


Et que dompta Coca-Cola,
Effervescent et carnassier.
((??))

     N'avez-vous jamais entendu parler de l'expérience où on laisse traîner un bout de viande au fond d'un verre de Coca, et où par la suite on ne le retrouve pas (il a été digéré par l'acide) ?  Voilà pourquoi Coca est dit carnassier !  


Tout commença par un matin,
Un matin houleux et boursier,
Où Ricard au goût incertain
Jouissait heureux de la satié-
Té que procure la richesse
((??))

     La richesse procure une sorte de satiété, c'est-à-dire de contentement satisfait, mais ce contentement n'est qu'illusion, car il ne dure pas.  D'autant que qui est riche devient aussi de ce fait inquiet de la sauvegarde de tous ses biens.  


Capitaliste accumulée
Sur la sueur de notre espèce
À nous autres pauvres prolé-
Taires trimant de jour de nuit
((??))

     Les prolétaires sont les travailleurs, ceux qui vendent leur force de travail, et n'ont aucune autre source de revenu.  


Pour le profit et la misère,
Pour la misère et le profit;
Donc, Ricard au goût peu amer
Perpétuait son monopole
Quand tout à coup sur le marché
Une bulle éclata à Wall
((??))

     Une bulle = une bulle financière, une instabilité du marché.  


Street manquant de faire éclater
Les sacrés cours et les indices :
C'était le signe avant-coureur
Et congénère en immondices
D'un futur bien mauvais quart d'heure;
C'était le crash de la silice,
((??))

     La silice, en référence au silicium dont sont composés les circuits intégrés (on parle un peu plus bas du NASDAQ).  


Le dam du NASDAQ, ô valeur
Combien soumise aux artifices
Des plus et moins spéculateurs !
((??))

     Les plus et moins spéculateurs = les valeurs positives et négatives dont se nourrissent les boursicoteurs pour spéculer.  


De ce tout nouvel ouragan
Émergeaient encor quelques têtes
Ballottées misérablement
Par ce qui le Dow Jones écrète.
((??))

     Le Dow Jones est l'indice de la bourse américaine.  
Afin que ce vers compte 8 pieds, on doit lire « dow-jonss » (deux pieds).  


Dans de semblables circonstances,
Vous pouvez en être assurés,
Seuls parviennent à subsistance
Les plus gros ou les plus friqués;
Car c'est toujours la jungle reine
Où triomphe le mieux armé;
Oui c'est là l'éternelle scène
Du cannibalisme incarné.
Voici quel était le problème
(Qui, dirons-nous, restait entier)
Se posant à Ricard [tm]
((??))

     [tm] signifie « trademark ».  C'est un peu le titre honorifique dont il convient de parer les augustes noms d'Orangina, Ricard, Coca-Cola, etc.  


Et à son groupe financier :
« Où donc trouver les capitaux
» Qui pourront sauver la baraque ?
» Comment faire baisser le taux
» D'inflation, éviter le krach ?
» Problème on ne peut plus cruel,
» Question on ne peut plus urgente,
» Stabilisons le notionnel
» Avant que l'incurie n'augmente ! »
Ainsi pensait Ricard [tm]
Plongé dans ces débats obscurs
Où les actionnaires eux-mêmes
Perdaient le sens de la mesure;
Ainsi partout se fissurait
La construction déconomique
De laquelle ne demeurait
Qu'un dilemme dichotomique : ((??))

     Une dichotomie est la division en deux d'un ensemble.  Un dilemme est une question difficile à trancher.  


« Vendre ou payer ? C'est là le choix
» Qui dictera la politique
» Et l'avenir de la S.A. ... » ((??))

     S.A. veut dire « Société Anonyme » (autrement dit, une entreprise).  


Ricard, la chose est bien critique !
Tu t'agites en vain, pourquoi
N'as-tu recours au bien public ?
Pourquoi ne dévalue-t-on pas
De quelques francs, de quelques briques ?
((??))

     Le franc est l'ancienne unité monétaire de la France (il a été remplacé par l'euro).  Une brique est familièrement un million d'anciens francs, c'est-à-dire dix mille nouveaux francs, soit 1524 euros.  


Cela renflouerait ta balance,
Ô Léviathan des travailleurs,
((??))

     Le Léviathan est un animal biblique, gigantesque animal marin qui vit dans les profondeurs.  


Et relancerait la confiance,
Préserverait le dur labeur...
Te reviendrait le capital
Que dopent les investisseurs,
Tu sortirais du trou fatal
Qui guette les entrepreneurs
Imprudents et tous les losers
((??))

     Un loser est une personne vouée à perdre, à être dominée.  Prononcer « lou-zeur ».  


Dont le cash s'en va en fumée.
Comme Orangina ta consœur,
Tu dois fumer le calumet
De la guerre économétrique,
Publicitaire et marketing;
Quand sous les cieux, à coups de triques,
((??))

     Il y a une allusion à Arthur Rimbaud.  Dans Le Bateau Ivre, il écrit :

[...]

Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d'azur;

Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient couler à coups de trique
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs;

[...]
Le poème entier, je le donne ici
((??))

    
LE BATEAU IVRE


Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
Je courus !  Et les Péninsules démarrées
N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots
Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !

Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres,
L'eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d'astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend;

Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rhythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l'amour !

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : je sais le soir,
L'Aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,
Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir !

J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !

J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes,
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !

J'ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries
Hystériques, la houle à l'assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !

J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux
D'hommes !  Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !

J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulements d'eaux au milieu des bonaces,
Et les lointains vers les gouffres cataractant !

Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises !
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés des punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !

J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.
—— Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d'ineffables vents m'ont ailé par instants.

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d'ombre aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...

Presque île, ballottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d'oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds.
Et je voguais, lorsqu'à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir, à reculons !

Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau;

Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d'azur;

Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs;

Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets !

J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
—— Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t'exiles,
Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ?

Mais, vrai, j'ai trop pleuré !  Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate !  Ô que j'aille à la mer !

Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

.


Se lève l'ombre du dumping.
((??))

     Le dumping est une pratique qui consiste à vendre à perte afin d'éliminer la concurrence.  


Tel se trouvait Ricard le pur
Alcool à consommer avec
Modération, et sa stature
D'ici jusqu'aux calendes grecques
Luttait seule contre le sort
Qui fait et ruine également
L'inépuisable or des consor-
Tiums, des trusts et des groupements.

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la ballade d'Orangina - chant premier   
la ballade d'Orangina - chant deuxième  
la ballade d'Orangina - chant troisième
la ballade d'Orangina - chant quatrième
la ballade d'Orangina - chant cinquième
la ballade d'Orangina - chant sixième   
la ballade d'Orangina - chant septième  

Colloque des Oisives
  [Œuvre d'Escape, 1990-2015 (achevée, présentée au monde), auteur initial : Escape, France].  
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