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les fenêtres qui se regardent





Lecteur, tu dois encore outrepasser la paresse quotidienne qui fait préférer le système usuel à tous les autres.  Toi qui lis ce petit livre

    
Oui, vraiment : même si ce petit livre est foisonnant, et semble partir dans tous les sens.  

Mais je sais que tu es discipliné, lecteur, et que tu ne vas pas tout lire n'importe comment : tu commenceras sans doute par aborder les grandes lignes de tel ou tel passage, puis tu creuseras plus avant en ouvrant tous les hyperliens corrélatifs à tel aspect des choses.  De nombreux dispositifs présentés sous formes d'options sont là pour t'aider en ce sens, alors : bonne lecture !


, tu dois le faire sans préférence pour telle ou telle forme de discours.  Car, c'est là la règle du jeu, tous les discours se valent du point de vue qui nous occupe.  Plus important est le fait que l'on peut toujours passer de l'un à l'autre.  Chaque fenêtre donne sur toutes les autres, sauf sur elle-même.  Chaque intérieur est un extérieur pour tous les autres, sauf lui-même.  C'est pourquoi tu dois tout prendre comme intérieur, de même que tout est à prendre comme extérieur.  Entre et sors de chaque chambre, visite tous les immeubles.  Sinon par tes pieds, au moins par l'imagination.  

Car un lettré((??))

    
Le Corpus ne précise pas qui est ce lettré.  Il fait un peu penser à Cioran.  


a dit : « D'intenses nuits consacrées au foisonnement ou à la controverse, dans les dédales des syllogismes divergents de toutes les philosophies, l'exercice continué de la surprise et du désarroi, —— et nous pouvons même revendiquer jusqu'à la sainteté du faux et de l'absurde ——, je suis à présent convaincu de la valeur épistémologique rigoureusement égale d'absolument tous les systèmes.  Car, qu'est-ce qu'un système, sinon une architecture agréable contenant tout et se suffisant à elle-même ?  Un pays que peuvent forclore de nombreuses apories, mais qui n'accueille aucune d'elles en son sein, puisque toutes sont sur ses bords ?  Et ce qui est sur les bords n'est pas sur la scène.  Tout système est omnipotent et indestructible : en lui-même réside sa toute-puissance, car les critiques qu'on peut produire lui sont toujours extérieures; et seul l'intérieur est sémantiquement juste.  

Prenons par exemple les notions temporelles de potentiel et d'actuel, telles qu'on les trouve chez Aristote.  Cela revient à dire : il est interdit de se placer d'un autre point de vue que celui du temps présent qui est le nôtre.  Tout devenir est une sorte de dé qui, s'il est jeté, donnera à coup sûr tel résultat (à nous encore inconnu) : ce résultat, c'est le potentiel.  Quand ce résultat aura eu lieu, ce sera l'actuel.  Et si le dé n'est jamais jeté, il n'y a tout simplement rien à en dire.  

C'est tout à fait en vain que l'on ferait le raisonnement suivant : ``Tout ce qui sera, ou bien sera tel que le dé doit être, ou bien ne sera pas, parce que le dé n'aura pas été lancé.  Mais, si le dé n'est jamais lancé, le potentiel n'était jamais destiné à advenir, aussi bien n'est-il pas un potentiel, mais un impossible.  Et, si le dé est lancé, le potentiel n'est qu'un actuel futur qui devra nécessairement arriver, ce qui veut dire qu'il n'y a ni potentiel ni actuel, mais juste des présents distincts.''

Cette objection tient la route, mais uniquement au sein d'un système qui admet que l'on puisse se placer d'un point de vue éternel (c'est-à-dire hors du temps).  Or, c'est précisément cette possibilité qu'Aristote nous refuse : son système est donc immunisé contre l'objection.  Et, de même, toute autre critique du potentiel et de l'actuel ainsi formulés serait tributaire d'un système autre, et ne pourrait se maintenir qu'au sein de ce dernier.  Tous les systèmes sont cohérents, et toutes les critiques qu'ils se portent les uns les autres sont à la fois également loisibles et également bénignes.  

Nous pourrions dire encore que les systèmes sont autant de boîtes étrangères les unes aux autres, toutes contenant une image animée.  Cette image est un diaporama du monde qui nous entoure, une femme que toutes les philosophies courtisent mais qu'aucune ne possède.  Parfois, mais c'est rare, une philosophie en inclut une autre à titre de cas particulier, et c'est comme qui dirait une grosse boîte qui en contient une petite.  Mais, la plupart du temps, ce sont simplement des boîtes disjointes qui s'ignorent, et entre lesquelles nous serions trop heureux de trouver la seule possibilité de quelque médiation, ou dénominateur commun. »

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  [Œuvre d'Escape, 1990-2015 (achevée, présentée au monde), auteur initial : Escape, France].  
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