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les détritus





Vivant près de la décharge, un lettré consacrait un après-midi sur trente à ramasser les détritus et à les contempler.  Parfois, il les assemblait sur des piques.  Parfois, il les insultait.  Une fois, après les avoir dénombrés il en jeta un cinquième au vent.  Un de ses amis se soucia du tour que prenait cette lubie.  « N'est-ce pas un peu inquiétant, de consacrer ainsi tant d'effort à des choses qui passent la raison ? ».  

Le lettré lui répondit : « Ne croyez pas que le réel ((!?))

     réel —— Le réel, mot qui vient du latin « res », qui veut dire : « une chose ».   Le mot « res » a donné en français les mots réel et réalité, car ce qui est réel, c'est ce qui correspond à une chose, et la réalité, c'est le domaine des choses (dont on peut parler).  

Le mot « 
res » a aussi donné le mot « rien » !   Le sens premier du mot « rien » était « une chose », un peu comme l'anglais anything.   Ainsi, quand on demande si on a besoin de rien, ou qu'on dit que quelqu'un est rien content, ou qu'on se plaint d'un rien, cela veut dire : « une chose ».  

Ce sens demeure dans la façon moderne de parler, car si on dit qu'on ne veut rien, cela veut effectivement dire qu'« on ne veut une chose », autrement dit, qu'il n'est pas une seule chose qu'on veuille.  

Dans le
Colloque des Oisives, « réel » renvoie au régime des choses qui tapissent l'existence, donc d'une certaine manière c'est bel et bien ce que tout le monde entend usuellement par « réel », mais cela va un peu plus loin, car on veut aussi désigner par là « le monde des choses spécifiquement » (ainsi, une maison ou une voiture sont plus des choses qu'un être humain ou qu'une prière, par exemple).  

De plus, le sens négatif de « réel » qui le relie à « rien » n'est pas non plus absent, et, si l'on sait lire avec
cautèle, on pourra trouver à l'occasion une connotation qui va dans ce sens.


est le rationnel : il reste encore beaucoup trop de place.  Vous jugez que ces actes sont sans raison, vous vous faites une définition trop restrictive de cette dernière.  Si ce qui est raisonnable est ce qui sert correctement le but, alors comment pouvez-vous me juger irrationnel, tant que vous ignorez le but ?  La folie, toutes les folies, ont une utilité sociale.  L'homme qui ajoute chaque siècle un grain de sable au littoral ne fait certes rien d'utile sur le plan objectif, mais il agit adéquatement sur le plan symbolique.  Vous ne voyez que le premier et pas le second : vous ne vivez que dans une seule moitié de l'univers.  Comme c'est triste ! »

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  [Œuvre d'Escape, 1990-2015 (achevée, présentée au monde), auteur initial : Escape, France].  
  Copyleft : cette œuvre est libre, vous pouvez la copier, la diffuser et la modifier selon les termes de la Licence Art Libre http://www.artlibre.org