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débat sur la justice





Dispendieux dit à Bien-fondé : « L'homme hésite dans le monde entre plusieurs chemins, mais aucune règle ne préexiste à l'homme qui l'oriente.  Ainsi, il n'est pas possible de dire avant toute chose que ceci était bon, que ceci était mauvais.  Le Bien ni le Mal n'existent donc en soi, ce ne sont que des attitudes à prendre avec relativité.  En fait, par quoi se déterminer sinon par ce qu'on recueille de façon plus ou moins lointaine, plus ou moins immédiate ?  L'eudémonisme est la règle des affaires d'ici; toute votre rigueur morale ne sert donc qu'à sangler l'humain, mais ne lui est d'aucun bénéfice. »  

Bien-fondé répond à Dispendieux : « La valeur des actes de l'homme, si même elle ne dépendait d'aucun critère noble donné de manière extérieure, résiderait dans l'équilibre du sujet.  Qu'est-ce qui apporte la sérénité, qu'est-ce qui l'ôte ?  Où est la Grande Santé ?  L'appellera-t-on salut ?  À l'horizon infini des potentialités humaines, on pourrait peut-être l'appeler ainsi.  D'ailleurs, pourquoi nier qu'il y ait un critère extérieur, quand, de manière objective, l'homme recherche le sens de sa vie ?  Certes, cela ne se fait pas sentir de manière égale chez tout le monde : l'homme de bien cherche à déterminer le sens de son existence, tandis que l'homme de peu ne cherche qu'à être aimé.  Néanmoins, à cette diversité près, chacun cherche sa réalisation.  Comment nierions-nous donc qu'il y ait là un critère de tout premier ordre ?  Et, si ce critère existe, soit qu'on le dise extérieur et objectif, soit qu'il ne soit qu'un reflet intime de notre désir d'harmonie, en tous les cas, cela indique qu'il est une voie de Bien, et une voie de Mal. »  

Dispendieux dit à Bien-fondé : « Ce Bien et ce Mal existent sans doute, mais ils ne sont pas susceptibles d'estimation fiable.  Si un homme entreprend de faire le bien, il peut réussir, il peut échouer.  Dans ce cas, la valeur de ce qu'il a entrepris dépend crucialement de l'issue de son entreprise.  Si le bien peut mener au mal, si le mal peut mener au bien, où est le bien, où est le mal ?  L'homme est perdu dans l'amazant labyrinthe des effets et des causes, d'où il ne peut établir aucune règle qui lui offre le salut tant vanté. »  

Bien-fondé répond à Dispendieux : « C'est à petite échelle, ou si vous préférez, à très court-terme, que les bonnes actions peuvent déboucher sur un bloquage, ou les mauvaises sur un gain relatif.  Envisagées sur le long cours, ces actions ne trompent pas, elles sont conformes à leur réputation.  Si le Sort fait qu'un homme malade, et qui priait le Ciel de guérir, voit sa maladie empirer, peut-être est-ce bénéfique, car sa maladie aggravée lui évitera de partir à la guerre, où il serait mort de façon atroce.  C'est la Grande Balance céleste qui mesure sans faillir le poids de chaque atome de bonne ou mauvaise intention : que son estimation échappe aux minables calculs humains est une bonne et grande chose, —— et comme toute grande chose, comme le Tao lui-même, elle fait rire l'homme sot.  Ne soyez pas cet homme sot, songez à votre intérêt ((!?))

     intérêt —— Une foule d'étants converge au voisinage de la question de l'intérêt, c'est ce qui en soi est même intéressant; mais si la question de l'intérêt a pu se poser, c'est que le monde recélait de la valeur, et si la question de la valeur a pu, non pas seulement se poser, mais même être interrogée un instant du point de vue de la non-valeur, c'est que le monde recélait du vide, ô, toute la dimension du nihilisme !  

Or, puisque du fond des temps, tu es là à me lire, lecteur, c'est que le vide, le néant, le nihilisme a reculé, ne serait-ce que pour un temps, mais, en vérité, pour tous les temps...   Si ce temps n'en est pas persuadé, baste, il le saura !   Et si tu en doutes, ce n'est que parce que se manifeste encore la temporalité du doute, mais, puisque tu es venu à échouer sur ces étonnants rivages, il te reste à
prendre le temps en main, oh! comme si cela relevait d'une quelconque difficulté !


à long terme. »  

Dispendieux dit à Bien-fondé : « Qui parle d'intérêt à court, moyen ou long terme, sinon une personne qui effectue des calculs et capitalise ?  Je croyais que l'intention du juste était pure, or, voici que lui aussi escompte et fait des comptes d'apothicaire...  Il engrange les bonnes actions dans le but d'être un gagnant dans la Grande Affaire, —— en quoi donc diffère-t-il d'une personne qui ne serait bonne que pour complaire au Grand Principe, et arracher à l'Être Régisseur un bout de paradis comme par arnaque ? »  

Bien-fondé répond à Dispendieux : « Le juste ne recherche pas son bien propre, et à maintes reprises il est arrivé qu'il préfère se damner lui-même, si cela permet à ceux qui sont dans la détresse d'être sauvés.  La justice n'est pas une manière d'accumuler des points fastes qui détruiraient les taches nocives de l'univers, c'est bien plutôt, outre cela, la faculté de faire que tout ce qui corrige le nocif enseigne à son tour comment être juste, et ainsi de suite, si bien que le juste agit simultanément sur tous les plans, le proche autant que le lointain.  Voilà aussi pourquoi le cœur enferme sa vérité mieux qu'aucune formule.  Laissez parler votre cœur, et ne calculez pas : alors, les amis de la justice viendront à vous en nombre pour vous épauler dans votre belle action, —— et eux vous aideront à agir pour le mieux, ce qui sera en fait aussi précis qu'un calcul de haute main, et plus efficace encore.  Le juste est à lui seul sa loi. »

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  [Œuvre d'Escape, 1990-2015 (achevée, présentée au monde), auteur initial : Escape, France].  
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