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| —— Et cela est nécessaire, de dire qu'on entend le mot « calcul » dans un sens très étendu, tant y a de méfiance et de mauvaise compréhension à son sujet. Mal nous fait cette mésentente, car ce n'est pas rédhibitoire, pour notre âme à ce niveau d'être calcul. Et, celui qui se récrie, il ne sait ce qu'est le calcul, pas plus que la puissance du corps, on ne l'a encore pleinement comprise à ce jour. |
Je vais donc chanter, pour le bien de l'humanité, la chanson de comment les parties s'assimilent les unes aux autres en un tout qui les dépasse. La chanson holistique. Et l'on entendra, partant de cela, comment l'homme peut gouverner son âme dans le but de la rendre plus harmonieuse, et l'on chantera, à son tour. Et l'on utilisera cette connaissance pour se rendre meilleur et pour améliorer autrui, et encore l'entredeux, ce monde interpersonnel de la relation, où gisent tant d'êtres semi-nocifs en hostile repli.
| —— Il faut pour cela entendre ce calcul que je vais dire, il faut se pénétrer de sa nouveauté. Car, je m'adresse aux enfants de cette génération, et leur entendement est borné. Il est temps qu'ils se défassent de conceptions erronées qui les limitent, qu'ils accèdent à une plus pure lumière de l'étant. Ensuite, sans doute, ils devront en faire usage. |
Comme cependant avant de commencer je dois préparer mon terrain, et dire, de ce qui en l'âme se calcule, quels sont les sept fondements ! Car, cela est absolument nécessaire, et l'on ne saurait me comprendre sinon.
| —— Donc, ces sept fondements sont : —— la situation, —— la connexion, —— la directionalité, —— l'usage, —— l'émergence de masse, —— l'entraînement, et —— la souffrance. Si l'on considère n'importe quel événement de la vie psychique, qu'il s'agisse d'un événement infime et comme qui dirait atomique, ou bien d'un événement-cascade de tels événements infimes, qui soit, lui, comme un torrent inextricable d'éléments conjoints, quoi qu'il advienne, que l'on considère l'un ou l'autre, on retombera sur ces sept fondamentaux. |
La situation, c'est que chaque élément de la vie psychique a sa coordonnée, et vaut depuis sa coordonnée. Ceci, aussi bien pour les événements atomiques (façon de parler, car aucun ne l'est), que pour ceux qui sont loin de l'être... La situation, c'est de dire que la vie psychique prend place dans un espace, espace mental mais espace néanmoins, espace qui donne occasion à chaque unité de se présenter topologiquement relativement à toutes les autres. Et dans la situation, il y a les prémices de la connexion...
| —— L'on se demandera s'il faut que la situation prenne place dans un continuum ou dans une discrétude... Eh bien, que t'en semble ? Est-ce d'un continuum que nous avons besoin, ou pas plutôt d'une discrétude ? Est-ce d'un graphe que nous avons besoin, ou pas plutôt d'une variété ? Peut-être cherches-tu à mixer les deux... Quoi que tu entreprennes, il te faudra poser en premier la situation. |
La connexion, c'est que plusieurs points situés de l'espace mental (celui-là même qui sert de tope à la vie psychique) peuvent se lier les uns aux autres, souvent deux par deux, mais aussi bien trois par trois ou plus par plus. Et donc, ces points noués entre eux forment des groupuscules qui se tiennent comme une unité qui tend à activer la totalité de ses participants, du fait que ses participants sont déjà en grande partie activés.
| —— C'est par la connexion qu'il peut s'établir des rapports entre les choses, —— ce qu'on appelle « les choses » n'étant jamais qu'élaborations très lointaines à partir des points les plus basiques de la vie psychique. L'âme, cette grande créatrice de choses... et de relations, les relations se basant sur le fondement de connexion, en cheville, comme je le dirai bientôt, avec le fondement de directionalité. |
La directionalité, c'est que certaines des connexions qui ont lieu privilégient certains de leurs axes en certaines de leurs directions, afin de faciliter leur lecture pour tirer de ce qui est tout comme un prédicat complexe (quoique nous soyons encore bien en-deçà du prédicat) l'équivalent de variables d'un certain type répondant à un certain rôle (tout comme des actants, bien que nous soyons encore bien en-deçà des actants).
| —— Un arrangement moléculaire de points psychiques ne se présente pas comme un nœud indifférencié, mais bien comme une petite structure qui distribue ses rôles dans l'espace. Et, ce qui assure la lecture de ces rôles, ce sont des points supplémentaires qui géométrisent le rapport final, ainsi, avec cinq points, on peut donner un point central, deux points en périphérie, et deux points servant d'étiquettes à ces deux points périphériques. |
Non seulement tout événement de la vie psychique est cascade d'unités qui sont autant de points dans l'espace mental, mais chacun de ces points crée derrière lui un sillage d'occurrences temporelles qui en déterminent les usages. Et ces usages, il se fait très clairement qu'ils enregistrent une plus grande motricité du point en question, quand celui-ci a été plus souvent sollicité, soit beaucoup plus en un temps récent, soit beaucoup plus à plus longue échéance.
| —— L'usage est donc comme une mémoire qui enregistre jusqu'à quel degré chaque point de l'espace mental aura été sollicité. Il y a donc, comme je le dirai, un certain rapport entre l'usage et la souffrance, car le but de la souffrance est de mettre en garde contre les connexions malheureuses, et le contournement de la souffrance (que devrait rechercher l'entraînement) est de vouloir diminuer les sollicitations funestes, lesquelles sont là du fait de l'usage. |
Tout ce qui est vécu au flot de l'âme se voyant être en un point de l'espace mental, d'où certes il irradie et se meut continuellement vers les points voisins, alors il s'ensuit de cela que la vie psychique est un vaste pêle-mêle où un peu de tout rencontre un peu de tout. Et même s'il advenait que ce pêle-mêle était vraiment un grand n'importe quoi où tant d'unités seraient reliées à tant d'autres sans considérations de types congrus, mais uniquement par la très-lâche « association d'idées », alors, même dans ce cas, ce ne serait là qu'un charmant remugle, car ce vaste pêle-mêle de lui-même resterait exploitable.
| —— Et voici pourquoi : du sein du pêle-mêle, isole, mettons, quatre choses qui en appellent une cinquième et une sixième. Par connexion, nous savons déjà qu'il est une unité intégrant ces six quelque part. Donc, il suffit, pour récupérer les six à partir des quatre, de faire en sorte que chacune déjà allumée allume toutes celles qui sont à sa portée, et de considérer les deux du lot qui reçoivent le plus d'éclat. C'est ainsi qu'il est toujours exploitable, le charmant remugle. |
Il y a un petit ressort en l'homme, qui a nom volonté. Et, bien que je ne souhaite pas rentrer dans l'examen de ce ressort ni du ressort de ce ressort, je dirai qu'il a trait en partie à notre « parce que », sinon totalement. Tout dépend de ce qu'on met derrière ce « parce que ».
| —— Mais une chose fait bien consensus, c'est que certains points de l'espace mental en appellent d'autres selon un principe d'aspiration consécutive. Certes, cela reste domestiquable. Mais c'est parce que cela existe comme un fondement que c'est domestiquable. |
Pour achever ma présentation des sept fondements de ce que l'âme a de calculatoire, je parlerai de la souffrance. Il faut entendre par là, non seulement le plaisir et la stimulation positive, mais aussi la douleur et la stimulation négative, ainsi, à échelon supérieur, que tout ce qui en découle, tel que le délice ou le dégoût par exemple.
| —— Les chaînes d'entraînement de points à points engrangent des quantités de souffrance qui sont relatives (elles peuvent être affublées aussi bien du signe plus que du signe moins). L'être vivant s'efforce de minimiser sa souffrance —— même s'il est masochiste, car alors il éprouve plus de plaisir à jouir de sa souffrance qu'il n'éprouve de douleur à souffrir. Ce sont les valeurs de souffrance liées à celle de l'usage et de l'entraînement, qui décident du cheminement et de la récurrence des connexions. |
Il y a certaines idées qui en l'être vivant sont récurrentes. Tout d'abord, on doit voir un point de rassemblement partout où plusieurs points se rencontrent au sein d'une certaine unité, comme c'est par exemple le cas de deux points qui se ressemblent, deux points qui s'opposent, deux points qui s'épaulent, deux points qui se combattent, deux points qui ont un rapport d'association d'idées, deux points formellement proches l'un de l'autre, ou encore plusieurs points qui font partie d'un même dicton, d'un même souvenir ou d'une même expérience reconnue.
| —— Ce sont là des points de rassemblement, qui accumulent en eux la charge de tous les points qui se rencontrent en eux. C'est par ces points de rassemblement que l'espace psychique, l'espace dans lequel baigne l'âme de l'être vivant, se voit affecté d'une certaine topographie, car ces points sont le liant entre tous les points. Je vais dire maintenant en quoi cela s'applique à « la vie des points ». |
L'âme en ce qu'elle est calculable repose le principe de son activité sur la coactivation des points de l'espace mental. Chaque fois qu'un point de l'espace mental se voit un tant soit peu considéré, c'est tous les points voisins d'icelui qui se voient considérés à leur tour, à un degré certes un peu plus faible. C'est comme un pan de toile qu'on soulève en y posant un piquet : cette portion de toile tend à soulever les portions voisines, en créant un petit mont.
| —— C'est par cette coactivation que toute idée tend à activer en même temps qu'elle-même toutes les idées connexes, toutes les idées contraires, toutes les idées amies, toutes les idées ennemies, toutes les associations d'idées qui s'enchaînent à partir d'elle, et ainsi de suite. En effet, toutes ces idées sont des nuages de points qui sont voisins des points déjà activés, via les points de rencontre. Je vais dire maintenant en quoi cela crée des idées récurrentes en l'être vivant. |
Aussi loin qu'on remonte dans le temps, cet ensemble de points que fut l'être vivant (je veux dire : son âme en ce qu'elle a de calculatoire) possédait quelques points plus activés que d'autres, ceux-ci ou bien ceux-là, et telle était sa conformation. Mais, du fait que tels points sont allumés et non tels autres, ce sont tels points et non tels autres qui viennent à se voir allumés à leur tour par cet effet d'entraînement. Ainsi, l'être vivant suit son cours et chaque cycle de temps apporte avec lui de nouvelles images.
| —— C'est pour cela que certaines idées sont récurrentes. On peut voir l'effet d'entraînement comme le dévalement par des animaux d'une étendue de terrain où ils privilégient certaines pistes. Or, certaines pistes tournent tout simplement en rond, si bien que celui qui les emprunta une fois les empruntera bien plus encore par la suite. Ce sont des attracteurs. |
À supposer qu'on veuille se guérir de récurrences néfastes qui polluent son âme, on ne saurait le faire en s'imposant des idées contraires, ou ennemies, ni même des médicaments qui viennent, par l'idée, attaquer l'idée elle-même.
| —— En effet, une idée contraire à l'idée néfaste sera un nuage de points relié au nuage de points néfaste par des points de rencontre (les points par lesquels les idées s'opposent ou sont en lutte). De sorte que, même si lutte il y a, chaque fois que l'idée prétendue salvatrice sera activée, elle réactivera sournoisement l'idée néfaste. Ainsi, il est impossible de jamais guérir par une attaque aussi frontale. |
Comme chaque idée est comme un ensemble de points élevé d'où l'on tombe vers les points les plus proches qui ont un dénivelé envers eux, et comme allumer une idée ennemie ne fait qu'entretenir la montagne funeste, on ne peut lutter contre l'idée funeste en recourant à une idée ennemie (ou, si on le fait, cela ne peut avoir d'effet qu'à court-terme, et, à long-terme, se révéler en réalité plus destructeur, peut-être, que l'inaction). Mais, ne rien faire, c'est se soumettre aux récurrences que l'environnement nous sert, et l'environnement est comme qui dirait mal intentionné (quoiqu'il soit sans intention). L'environnement est tout simplement mal conformé, c'est-à-dire qu'avec l'environnement seul, en général, les récurrences néfastes tendent en effet à revenir.
| —— Il faut donc bel et bien agir, mais on ne peut pas mener d'attaque frontale. Il faut mener une attaque latérale, et dire laquelle, c'est ce que je vais exposer, encore faudra-t-il me suivre avec soin, car l'expérimentation en ce domaine n'est pas sans danger. Donc, à moins de bien se connaître soi-même, et d'avoir auparavant bien développé sa capacité d'introspection et son soupçon vis-à-vis de tout, l'on ne saura rien faire de ce que j'apporte. Et c'est aussi pourquoi ne seront jamais heureux ceux qui renoncent à se comprendre eux-mêmes. |
Chaque idée dont on veut se débarrasser étant comme un mont qui s'écoule funestement vers tant d'idées voisines, —— et, par connexion, ces idées voisines s'écoulant à leur tour vers ce mont, si bien que par elles il gagne en puissance ——, la guérison de l'être vivant revient à se débarrasser de ce mont, ce qui veut dire en pratique par aplanir le paysage à l'endroit où repose son éminence.
| —— Il n'est pas possible de diminuer la hauteur (ou la profondeur) du mont à l'endroit où il se trouve, mais on peut creuser tout autour de lui pour annuler sa déclivité. S'il était possible, là où le mont pointe vers sept serviteurs, de créer quarante-deux serviteurs de plus, le mont deviendrait sept fois moins puissant, donc, sept fois moins pernicieux. Ainsi, en multipliant à loisir les associations d'idées que nous avons au voisinage de l'idée néfaste, nous pouvons annuler l'emprise de cette dernière. Je vais même me montrer encore plus précis. |
Sitôt que le mont néfaste est aplani, il est même possible de creuser un mont faste, car alors il suffit de se donner les associations d'idées qui sont voulues comme donnant le résultat positif. Mais cela, est en théorie vrai seulement. Car en réalité, personne ne maîtrise complètement ses associations d'idées, et, là où l'on contourne l'attaque frontale en ne recourant pas à des associations d'idées directes, mais plutôt à des associations d'associations, ou associations de second ordre, là encore, les associations néfastes savent creuser leur trou, et continuent de se manifester au troisième ordre