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18. Le prince de Che ayant interrogé Tzeu lou sur la personne de Confucius, Tzeu lou ne répondit pas. Le Maître dit : « Pourquoi n'as-tu pas répondu : ``C'est un homme qui s'applique avec une telle ardeur qu'il oublie de manger, éprouve une telle joie qu'il oublie tous soucis; et ne sent pas venir la vieillesse ?'' »
Le prince de Che était Chenn Tchou leang, nommé Tseu kao, préfet de Che hien. Il avait usurpé le titre de prince.
19. Le Maître dit : « La connaissance n'est pas innée en moi; mais mon amour pour l'Antiquité m'y fait aspirer avec ardeur. »
En parlant ainsi, Confucius a voulu s'abaisser lui-même. Il a été un saint, parce que la connaissance était innée en lui. Quand il disait qu'il aimait l'étude, ce n'était pas uniquement pour engager les autres à étudier. Car, ce qu'un homme peut connaître naturellement et sans étude, ce sont les devoirs de justice et de convenance. Quant aux faits historiques, aux changements introduits dans les cérémonies, dans la musique, dans les insignes des dignités, nul ne peut les connaître avec certitude, s'il ne les a étudiés.
20. Le Maître ne parlait pas des choses extraordinaires, ni des actes de violence, ni des troubles, ni des esprits.
Parler des choses extraordinaires, c'est exciter les hommes à ne pas suivre les règles ordinaires; parler des actes d'audace et de violence, c'est affaiblir dans les hommes les sentiments de douceur; parler de résistance aux lois ou à l'autorité, c'est porter les hommes à violer la justice; parler des esprits, c'est brouiller les idées de ceux qui écoutent.
21. Le Maître dit : « Si je voyageais avec deux compagnons, tous deux me serviraient de maîtres. J'examinerais ce que le premier a de bon et je l'imiterais; les défauts que je reconnaîtrais en l'autre, je tâcherais de les corriger en moi-même. »
22. Le Maître dit : « Le Ciel m'a donné la Vertu avec l'existence; que peut me faire Houan T'ouei ? »
Houan T'ouei était Hiang T'ouei, ministre de la Guerre dans la principauté de Soung. Il descendait du prince Houan, et pour cette raison s'appelait le chef de la famille Houan. Confucius, étant dans la principauté de Soung, expliquait les devoirs de l'homme à ses disciples sous un grand arbre. T'ouei, qui haïssait le Maître, fit abattre l'arbre. Les disciples furent frappés de crainte. Confucius, s'abandonnant avec confiance au Ciel, dit : « Puisque le Ciel, en me donnant l'existence, a mis en moi une telle Vertu, certainement il a des desseins sur moi. Quand même les hommes voudraient me nuire, ils ne pourraient résister au Ciel. »
23. Le Maître dit : « Pensez-vous, mes amis, que je vous cache quelque chose ? Je ne vous cache rien; je n'ai rien fait dont je ne vous ai donné connaissance. Voilà comme je suis. »
24. Le Maître enseignait spécialement quatre choses : les textes anciens, la pratique, la loyauté et la fidélité.
25. Le Maître dit : « Il ne m'a pas été donné de voir un homme saint; si je voyais seulement un sage, j'en serais assez content. Il ne m'a pas été donné de voir un homme bon; si je voyais seulement un homme constant, j'en serais assez content. Celui-là ne peut pas être constant qui n'a rien et feint d'avoir quelque chose, qui est vide et cherche à paraître plein, qui possède peu de chose et veut étaler une grande magnificence. »
26. Le Maître pêchait à la ligne, mais non au filet; il ne tirait pas sur les oiseaux qui étaient dans leur nid.
Il s'agit ici de tirer sur les oiseaux avec une flèche retenue par un long fil de soie écrue. Confucius étant d'une famille pauvre et d'une humble condition, il était parfois obligé dans sa jeunesse de prendre des poissons à la ligne ou de chasser les oiseaux, pour nourrir ses parents et faire des offrandes aux morts. Mais tuer et prendre tous les animaux était contraire à sa volonté, et il ne le faisait pas. En cela apparaît le cœur compatissant de cet homme si bon. En voyant de quelle manière il traitait les animaux, on peut juger comment il traitait les hommes; en voyant la manière dont il agissait dans sa jeunesse, on peut juger comment il agissait dans l'âge mûr.
27. Le Maître dit : « Il est peut-être des hommes qui agissent en toute ignorance, je n'en suis pas. Après avoir beaucoup entendu, j'examine et je choisis ce qui est bon à suivre; j'observe beaucoup pour le graver dans ma mémoire : c'est le second degré de la connaissance