Seul sur le devant de la vie
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II



SISES dans l'ordre du monde, la lumière et l'obscurité se jouent un pantomime bien réglé, en ceci que l'une cède toujours à terme la place à l'autre.   Et c'est la raison pour laquelle le tiers terme, qui est l'Homme, doit se tenir dans une posture certifiée.   Un manquement à l'ordre du monde, et ce sont les tares qui se manifestent en nombre.   Se tenir hors du manquement, cela s'appelle Vertu.   L'Homme a mission de marcher avec rectitude mais dans la liberté.   Qu'il ensoleille donc la lune, et lunifie le soleil !  

Les voies de la Vertu sont diverses et ne se recoupent pas.   La première des voies correspond à la première des compréhensions : cette voie a nom « équilibre sage des balancements ».   Il faut considérer le balancement, tout d'abord, et dire : c'est un balancement.   Qu'est-ce qu'un balancement ?   C'est deux plénitudes entre lesquelles deux transitions, toujours.   Assoiffe les plénitudes, tempère les transitions.   Puisque ce paysage ne cesse de se répéter, le balancement porte en lui sa propre logique.   Ce qui porte en soi sa propre logique, cela doit être motif d'interrogation, occasion de se sonder soi, ô l'expérimentant.  

Si tu me demandes comment l'on fait pour être certain de ne pas manquer à la Vertu, c'est-à-dire de parvenir à régler le balancement, je te dis que le déclic, c'est de méditer sur ta terminaison.   Car chacun de nous a vocation à devenir un adulte —— et qu'est-ce qu'un adulte ? c'est celui qui est désabusé quant aux rêves chatoyants de l'enfance.  

Est-ce à dire pour autant que les rêves chatoyants sont mensongers ? qu'ils ne recèlent rien de véridique ?   Nullement, ils nous disent encore la Vérité, le schème de leur vérité à eux, les rêves chatoyants.   Et cependant, nul ne grandit s'il n'affronte le Grand Néant, cette orbe de néantitude qui avale tout et ne recrache rien.   C'est l'homme qui est prêt à tout perdre qui est véritablement grand.  

Il est impossible de se poser la question ainsi sans en venir à l'épreuve du Doute((??))

    


.   En soi, le Doute n'est pas récif insurmontable, mais il ne doit être évité : autant dire que c'est en s'échouant qu'on réussit.   Le secret du parvenir est dans le non-attachement au parvenir.   L'être qui questionne est pris entre confiance et doute comme entre les allées et venues de la mer...   N'a-t-il pas été dit la chose suivante à ce sujet :
    
➜ Pourquoi➜ ➜ demanda :   « Pensez-vous que les doutes dans la foi sont essentiels ?  

Le doute s'il permet de se remettre en question vis à vis de notre amour envers Dieu : ce doute alors renforcera ensuite notre foi, non ?   Car le doute nous invitera à vouloir comprendre, chercher, méditer, etc.   Le doute n'est-il pas essentiel et inévitable ? »

Escape répondit :   .

Ô être de foi, tu es un océan qui tempête

Tu flues et reflues

Tes marées descendantes s'appellent « doute »

Tes marées montantes s'appellent « confiance »

Vogue, océan, vogue de ta vague et toi-même

.
 

Pourtant le Doute n'est pas que ce récif qui se profile toujours de front, quoiqu'il vienne de biais.   Nous pouvons sainement nous reposer sur l'expérience des Anciens, comme de ceux qui nous parlent des dommages infligés par les esprits, ou des morts qui tourmentent les vivants[[!] OBJECTION ! —— D'où sais-tu cela ?]

    
[!]   —— Ah bon ?   Et d'où sais-tu cela ?   Tu l'as expérimenté toi-même, ou tu répètes les paroles de quelqu'un ?  
Sans entrer pour l'instant dans ce qui constitue ma propre expérience, je peux déjà répéter ce qu'ont dit à ce sujet des hommes dignes de foi.  

Car ce sujet est vaste, et on peut vraiment en parler avec certitude, concernant tels et tels aspects, qu'il est cependant délicat d'exposer en détail, surtout à des oreilles neuves.   Oui certes, ces considérations font vraiment l'objet d'une
science
[[!] OBJECTION ! —— Une science !   Laquelle ?]

    
[!]   —— Une « science » !!   Et quels en sont les axiomes, les méthodes, les instruments ?  
Ce sujet ferait l'objet d'un traité à part entière.  

Le fait est que tous ces phénomènes sont réellement passibles d'une étude sérieuse, d'un approfondissement rationnel, de considérations savantes, de documentation historique —— bref : d'une sorte de science, mais le plus simple, si quelqu'un désire réellement en savoir plus à ce sujet
[et si son propos n'est pas seulement de chercher à me prendre en faute], c'est qu'il parte lui-même dans une recherche de vérité, par laquelle il se mettra en quête de toutes les sources qui pourront l'éclairer sur la question.   S'il étudie avec application et humilité, il découvrira par lui-même l'étonnante vérité qui se tapit au coin de cette question.


...


.   Les exemples, nombreux, abondent.   Autant que la problématique du sens, qui touche l'intérieur fragile de l'homme, les manifestations des bords de l'univers ébranlent sa certitude primaire.

Les manifestations des bords de l'univers, ce ne sont pas, par exemple, cet Être transcendant dont la science a été de la permanence dans l'en-dedans du monde[[!] OBJECTION ! —— La science n'a rien dit de tel !]

    
[!]   —— Ah bon ?   Et quand est-ce que la science a jamais dit une chose pareille ?  
Ne polémiquons pas : la science, sous sa forme positiviste, n'a effectivement jamais rien dit de pareil, ne serait-ce que parce qu'un Être aussi monumental est, de par sa constitution même, en dehors des lois de ce-qu'il-fonde...  

En parlant de « science », nous faisons référence à un certain type de sapience antique, et à une manière particulière d'accomoder les considérations qui en découlaient.   Certes, on serait fondé à dire que cet usage du mot est malvenu, voire trompeur, mais il est historiquement et culturellement attesté, et d'autre part, la phrase qui suit a précisément pour objet de remettre les choses en perspective, en précisant quel est l'atome de Transcendance admissible, au sein de l'océan d'Immanence que doit traiter la Science.


.   Ce seraient, bien plutôt, tout le divers de la nature, en son exubérance folle.   Si l'on se rend compte à quel point certains faits sont intimement irreproductibles, ou nécessairement anecdotiques, on n'aura pas renoncé à toute scientificité pour autant : mais, on se sera ouvert à une nouvelle dimension du Vrai.  

Le monde, il est Immanence folle, et océan d'Immanence.   Mais, au sein de ce monde, au milieu qui est aussi l'englobant, il trône ce Problème absolu : la Question.   Et, aussi longtemps que l'Homme se frotte à la Question (et il n'a pas le choix, il doit s'y frotter), alors l'Immanence est comme contaminée, elle tourne autour de ce trou noir !

Un questionnement sans origine ni fin, une question qui se pose, du simple fait qu'elle pourrait se poser... une question qui va au-devant d'elle-même, qui envisage les auspices sous lesquels elle se poserait, qui entend cerner la condition à laquelle elle se pose, et aussi la condition à laquelle elle se poserait...  

Voilà qui est une tout autre chose que, mettons : un Être central, une Raison finale, une Cause première, un Moteur immobile, ou va encore savoir quoi...   Car cette problématique intense, la question « qui se soulève de se soulever », la question qui s'envisage elle-même de par son questionnement, —— en un mot : la Question... fait appel aussi bien à notre capacité de Sens qu'à notre résistance à l'Absurde.   Elle « ne vend pas la mèche »; elle ne pose pas pareil absolu; et même, elle s'accomode très bien de la possibilité du désespoir, ce qu'elle nous veut, c'est adultes.

Ainsi donc, il est un étrange au sein du monde, un tout autre qui se dessine à mi-chemin du jour et de la nuit.   Un être problématique, voilà ce que recèle la Question, cet être qu'on ne sait catégoriser, voilà le questionnement.  

Ainsi donc, bien que l'homme transite de la clarté au plus obscur, de l'obscurité au plus clair, il y a, tapi dans l'ordre des choses, un questionnable tout-puissant, qui irradie depuis son fin fond, son antre totale, son recours ultime.   Eh bien, qu'il se manifeste, nous n'avons pas à craindre ce qui est l'inhabituel !   Nous avons, face à toute Question, l'arsenal de ce qu'on bâtit comme Réponse... car la Question questionne, et c'est sa destination... mais la Réponse étaie, et, même si elle est sans cesse à refaire, le fait est —— qu'elle porte.





  [Œuvre d'Escape, 1990-2015 (achevée, présentée au monde), auteur initial : Escape, France].  
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