Seul sur le devant de la vie
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I



SEUL sur le devant de la vie, je m'interroge.   (Oh, ça va, vous avez reconnu la Question !).   C'est mon interaction avec les autres parties prenantes de l'univers qui pose problème.   Elle pose problème aussi longtemps que je ne me vis pas comme un problème.   Après elle pose d'autant moins problème qu'elle est un nouveau problème.   Je résous la difficulté de mon être-au-monde en posant la Question, soit !   Mais je peux aussi le faire en un langage plus simple...  

La vie et ses valeurs instantes ne sont vécues qu'au seuil du tourment, si l'on veut croire en la conscience et son éveil.   L'homme est celui-là qui vibre, à chaque instant.   Le danger du nihilisme, c'est au contraire la mort de toute vibration, le repos en Rien, la fin de l'histoire...   Raison déjà pour laquelle il est juste que les autres me soient problème.   Raison pour laquelle on doit louer cet univers en ce qu'il a de problématique, —— ce n'est pas encore la Question, à peine son orée... mais on écoutera cet enseignement avec attention ——, louer ce monde mondain qui est aussi celui des possibilités envisageables.   L'Autre, comme champ de la possibilité ——  

Comme il est doux que l'Autre soit une occasion de chute, puisqu'il faut que de telles occasions se présentent !   Comme est doux l'antre de l'Autre, où se concède l'allant de la vie, en sa glorieuse versatilité !   Comme sont douces les manœuvres enfantines par lesquelles, au contact de l'Autre, je me révèle Moi tel que je suis, celui que je suis, celui que je suis voué à être de par ma volonté d'être Moi((??))

    
     De quelles « manœuvres enfantines » Escape parle-t-il ?   Qu'entend-il par « Je me révèle Moi tel que je suis, celui que je suis, celui que je suis voué à être de par ma volonté d'être Moi » ?  
        /
     Dans la mesure où l'homme ne prend pas encore pleinement conscience de celui-qu'il-est, toutes ses manœuvres restent enfantines...   Au moment où lui apparaît le soleil de son être, la lumière de son activité se fait plus vive, mais aussi bien est-elle toute entière enrobée par ce feu qui la dévore...  

L'homme qui parvient à une entente aussi poussée de lui-même peut se retrouver tel que
« Moi, je suis ».   Il est alors en état de se lever face au monde, et de dire, s'il en a encore la détermination (mais ne faut-il pas qu'il l'ait ?) : « Je me révèle Moi tel que je suis, etc. ».   C'est l'instant déterminant.
  
  
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 !   Je chante encore moultement l'Autre en ce qu'il a de magnifique, je chante la magnificence de l'Autre, et cela a un nom universellement reconnu : Amour ——

Mais il est difficile d'en parler [de cette magnificence] sans que se dévalue la chose tant aimée, l'Amour qui transporte.   Par pudeur, je me revêts d'une peau de bête et me donne pour une sorte de prophète du cynisme, ou de poète détrempé.   Je crie !   Amour, tu descends parmi les hommes comme un fou, tu manipules leurs données fondamentales, tu traînes chacun comme un bestiau et en justice, tu n'as de cesse de nous démontrer qu'il est une valeur d'au-dessus de nous tous, une crevure d'horizon vertical, une déchirure de ciel, d'où tombent négligemment tous les rayons de miel de l'entente enfin réalisée.   Amour, je ne regrette certes pas que tu sois ce dieu cruel...  

Le langage se fait poétique aux abords de l'Être sempiternel qui fait graviter toutes choses rondes et délectables.   Le langage indéfectiblement poétique de tout Homme possédé, la valeur dans l'instant de ce Sens qui crève dans le Monde, et la Question, la Question, la Question ! ——   Nous nous réhaussons de nous savoir si peu de choses, c'est l'humilité par la pratique de quiconque s'étend par la vanité heureuse du bonheur simple, du goût de merveilleux de l'orée des choses...   Ô sainte simplicité de ceux qui savent aimer sans juger... et sainte extase de ceux qui suspendent tout dès que se fait jour la Qualité de l'Aimé !  

Amour, pour te goûter il m'a suffi d'une lampée de breuvage de vie...   Un clin de connivence avec telle demoiselle qui balançait ses jambes au couchant, et de partir en quête après les traces de ses pieds menus[⊞]   Et, cependant, j'ose dire que tu es une ascèse !   Mais comment cela peut-il se concevoir ?   Cela se conçoit à peine, parce que ce n'est pas de le concevoir qu'il s'agit, mais d'en vibrer adéquatement.   Ménagez-vous une entente dans le monde, mais une entente qui ne se donne pas pour telle : n'attrapez pas la bonté, jamais, ne lui sautez pas au coup comme des sauvages, mais contentez-vous d'être avec bonheur et induisez en vous comme en autrui l'harmonie.   Le bon est celui qui l'est, pas celui qui clame l'être.  

Amour est le non-nom de ce qui vous enjoint le dépassement, l'extase et le respect.   Par sa force, vous êtes chacun plus précisément vous, parce que vous tendez à être plus que vous, à vibrer de plus que vous, et à voir en autrui la complétude d'autrui.   Il fut posé cette question à Escape :
    
➜ Pourquoi➜ ➜ demanda :   « Pensez-vous que c'est en respectant l'autre même s'il ne nous respecte pas autant que l'on apprend le respect justement ? »

Escape répondit :   .

Le respect est une plante

qui ne pousse que sur les sols arides

C'est un enfant

qui ne peut grandir que maltraité

C'est un soleil

qui ne veut luire que dans la nuit

.

C'est l'injonction blessée

du Ciel jusqu'au soir de la Nuit

dans le cœur de l'homme

.
 

Amour est l'autre nom d'une intense perfection, la perfection de ce qui est venu à être ce-qui-est.   Ce chemin de l'un à l'autre, c'est ce qui accomplit l'extase, car l'extase est le mouvement de l'être en lui-même, au spectacle de ce qui est bon.   Beau, vrai et bon, le donné qui provoque l'extase est saisi délicatement par la mimine infantile et grâcieuse qui ne distingue pas entre les êtres.   C'est pour cela que le jugement, suspendu, n'afflige plus le cœur en exode.  

On dira maintes choses encore sur l'Amour et sa perfection...   Perfection est ce qui ne se donne pas pour perfection, mais perfection est en toute chose parfaite, car toute chose est parfaite de n'être qu'elle-même.   De n'être qu'elle-même et sans se souiller.  
    
➜ Pourquoi➜ ➜ demanda :   « La perfection...? je voudrais avoir votre opinion.

Voilà, il y a des gens qui sans cesse recherchent la perfection, un idéal, mais ces gens ne trouvent jamais cette perfection sur terre, alors ces gens se tournent vers Dieu car pour eux Dieu est le summum de la perfection...
Mais Dieu n'est pas un être humain malgré que Dieu puisse nous être très proche.
Alors ma question est : « Aimer Dieu et vouloir se rapprocher de lui, est-ce avant tout rechercher la perfection ? » »

Escape répondit :   .

Qui sait ce qu'est la perfection ?

.

La perfection de la fleur

est d'être fleur

La perfection de l'abeille

est de butiner la fleur

.

Chaque jour l'homme bon tend à la perfection

de se réhausser par le dépassement

Seul celui qui ne souhaite pas progresser

accomplit le véritable recul

.
 

Amour perfection et vie perfective, sourde déraison d'un discours votif, —— il vous faudra longtemps lire et relire pour saisir toutes les nuances de ce qui descend sur vous ! ——, la validité de la vie au sens du cœur des hommes, c'est ce partage commun de toutes les désirades.   Vie aucunement délayée dans la futilité, car la futilité salit, mais jouer sérieusement élève, car il n'y a rien de plus sérieux que le jeu, pourvu que même ce qui est léger soit intenté avec le bon coefficient de lourdeur.   Ô Gravité !  

La légèreté dans l'Amour, c'est la réalisation effective de la Foi, laquelle n'est point bigoterie ou adhésion à un vrai non vécu intimement, mais bien plutôt, et seulement, vibration véritable envers toutes les valeurs de la Vie, adhésion à ces valeurs, confiance absolue en la Vie.   Le fidèle est avant tout celui qui se soucie des êtres, quand bien même son souci passe par la légèreté.  
    
Louis Gît demanda :   « Les bouddhistes ont-ils toutefois besoin d'avoir la foi, même s'ils n'ont pas de dogmes, ni de dieu ? »

Escape répondit :   .

Où trouverons-nous la foi dans l'absence de Dieu ?

.

Où trouverons-nous la foi

dans l'absence de Dieu ?

Le cœur des hommes est-il

cette patrie si immense

qu'elle puisse nous accueillir

partout où nous mettons les pas ?

.

Oui oui et oui

La foi c'est la confiance absolue

en les valeurs de la vie

.

Aussi bien sommes-nous déjà sauvés

du bonheur des hommes

.
 

La Foi amoureuse, l'Amour fidèle, se délinéent suivant le contour de l'absolue liberté qui n'est dans aucune des choses.   La seule chose, s'il en était, qui congrue à l'heure de la liberté, est Ce-qui-autorise-la-chute.   Par amour, nous pouvons en partager le fruit.   C'est un amour, un amour fondamental qui nous permet de nous perdre, —— pour notre plus grand bien d'ailleurs, car par le lacet du Retour, nous revenons à la vie plus franche.   Rien n'est dû sinon l'authenticité le long de ce parcours.  

C'est ainsi que lias23 en vint à poser la question suivante.  
    
lias23 demanda :   « L'homme propose, Dieu dispose et le diable s'interpose.
Qu'est-ce que vous en pensez ? »

Escape répondit :   .

Où es-tu Absolu sinon dans la totalité de l'Être

sinon dans le Choix

et dans le Silence et dans l'Ouvert ?

Mais dans le Retrait, encore

.

La Vérité se retira en Elle

pour que l'Homme puisse agir moralement

.

L'obstacle n'est que la brisure résultante

de cette liberté qui s'ouvre devant nous comme abyme

.
 





  [Œuvre d'Escape, 1990-2015 (achevée, présentée au monde), auteur initial : Escape, France].  
  Copyleft : cette œuvre est libre, vous pouvez la copier, la diffuser et la modifier selon les termes de la Licence Art Libre http://www.artlibre.org